Prix Jean Dumur 2018

Sophie Roselli

Le Prix Jean Dumur est attribué à Sophie Roselli, de la Tribune de Genève

Le Prix Dumur 2018 a été attribué à Sophie Roselli, responsable du pôle enquête à la Tribune de Genève. La journaliste de 41 ans a fait preuve d’un talent, d’une ténacité et d’un courage exceptionnels dans les enquêtes qui ont révélé l’affaire Ramadan en Suisse, l’affaire Emery-Torracinta ainsi que l’affaire Maudet, pour ne citer que ces dernières.

La qualité et la densité du travail de Sophie Roselli se sont rapidement imposées cette année au jury du Prix Dumur, composé d’anciens lauréats du Prix et autres journalistes émérites. La lauréate du prix 2018 incarne parfaitement les valeurs de talent et de courage que défend le Prix Dumur, la distinction la plus prestigieuse du journalisme en Suisse romande. La cérémonie de remise du Prix se tiendra le 13 novembre à Lausanne (détails ci-dessous).

Je suis extrêmement fière de recevoir le plus beau prix de la profession, qui récompense non pas un article mais une démarche journalistique développée sur des années. C’est le résultat aussi d’un travail mené en équipe à la Tribune de Genève, grâce à des collègues et un rédacteur en chef compétents, bienveillants, patients et de bons conseils”, réagit Sophie Roselli. Et d’ajouter : "Ce prix a le mérite d’encourager le journalisme d’investigation. Les journalistes sont de plus en plus sollicités pour révéler au grand jour les dysfonctionnements de notre société, alors qu’ils sont de moins en moins nombreux pour le faire et toujours plus critiqués. C’est un paradoxe.

Si le travail de Sophie Roselli a connu une résonance particulièrement forte ces derniers mois dans toute la Suisse avec ses révélations sur le voyage à Abu Dhabi du conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet, la journaliste se distingue depuis des années par l’excellence de ses enquêtes. Sa recherche sur la radicalisation de Genevois fréquentant la grande Mosquée et partis faire le djihad lui a ainsi valu le prix Swiss Press Award 2016 dans la catégorie presse écrite. Une thématique que la journaliste a continué d’approfondir au cours des deux dernières années avec de nouvelles révélations à la clé.

Suite à deux premières accusations pour viol en France contre Tariq Ramadan, la journaliste de la Tribune de Genève a révélé en novembre 2017, témoignages à l’appui, que le professeur aurait abusé d’élèves du Cycle et du Collège genevois où il enseignait. En suivant l’affaire pas à pas, c’est encore elle qui a porté à la connaissance du public la plainte pour viol contre Tariq Ramadan déposée en avril dernier en Suisse.

Dans un registre plus politique, la journaliste a mis en lumière ce printemps les manquements de la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta dans l’affaire Ramadan, puis dans une affaire interne au département hautement embarrassante. Ces informations ont créé un intense débat politique et remis en cause certaines pratiques administratives.

Mais c’est certainement l’affaire Maudet qui marquera les annales genevoises, voire suisses, en 2018. Après une longue enquête, Sophie Roselli signe dans la Tribune de Genève du 11 mai un premier article intitulé “L’intriguant voyage de Pierre Maudet à Abu Dhabi”. Révélations après révélations, alimentées aussi par Radio Lac, l’affaire prend des proportions gigantesques entraînant le magistrat puis la République dans une crise sans précédent. En dépit des pressions, la reporter poursuit son travail avec persévérance et sans se laisser déstabiliser. Une procédure pénale pour déterminer les responsabilités du magistrat a été engagée par le Ministère public.

“Dans cette dernière affaire comme les précédentes, Sophie Roselli a démontré des qualités qui font les grands journalistes d’investigation. Elle a fait preuve de flair, d’une ténacité et agilité sans égal dans la recherche d’informations”, explique Pierre Ruetschi, ex-rédacteur en chef de la Tribune de Genève, qui prononcera la laudatio le 13 novembre.

Il souligne également l’obsession de la journaliste à vérifier et recouper les informations. “Elle assure une protection absolue des sources, possède un sens aiguisé de la responsabilité de la presse et résiste farouchement aux pressions de tous bords. Enfin, Sophie Roselli vise l’intérêt public, travaille sans parti pris et se montre toujours prête à remettre en question son approche mais sans jamais lâcher sur l’essentiel.”

A fin août 2018, la journaliste a annoncé qu’elle quittait la profession non sans regretter, dans une lettre de démission devenue publique, la dégradation des conditions de travail au sein du groupe de presse qui l’emploie. Dès 2019, elle se lancera dans de nouveaux projets.

Le Prix Jean Dumur est attribué chaque année depuis 1987 par l’Association des Amis de Jean Dumur, un groupe de journalistes aujourd’hui composé de Jean-Philippe Ceppi, Rémy Chételat, Alain Jeannet, Marc-Henri Jobin, Anna Lietti, Marie Parvex, François Pilet, Arnaud Robert, Ludovic Rocchi,  Jean-Jacques Roth, Pierre Ruetschi et Sonia Zoran.

La cérémonie de remise du Prix Jean Dumur se déroulera le 13 novembre de 12h15 à 14h00 au Centre de Formation au Journalisme et aux Médias (CFJM), Avenue de Florimont 1, à Lausanne (Auditoire, 1er étage).

Elle sera suivie d’une série de témoignages sur les dessous d’une enquête par des professionnels réputés, dont la lauréate Sophie Roselli ainsi que Pietro Boschetti, journaliste d’enquête de Temps Présent (RTS TV), Marie Parvex, journaliste à la Cellule d’enquête du Matin Dimanche et de la SonntagsZeitung, Philippe Reichen correspondant du Tages-Anzeiger pour la Suisse romande et Pierre-André Sieber, rédacteur en chef adjoint et responsable du cahier national de La Liberté.